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Fiches pratiques

Les associations et la justice

Illustration Un juge devant son bureau. Il a son marteau dans sa main.

En tant que personne morale, les associations sont  susceptibles de faire face à la justice. Responsable de ses actes et de ceux de ses membres lorsqu’ils·elles agissent en son nom, elle peut être poursuivie en justice. En effet, les dirigeantes d’association ont certaines responsabilités à assumer. À l’inverse, elle peut aussi agir pour défendre ses intérêts si elle a été lésée. 


Quelques notions de base

ORGANISATION DE LA JUSTICE EN FRANCE 

Commençons par un rapide éclairage sur la structuration de la justice en France. Elle se compose de deux ordres : judiciaire (civil et pénal) et administratif. 

La justice judiciaire consiste à régler les conflits entre personnes privées, qu’elles soient physiques ou morales, par exemple pour une conflit entre une association et une membre

La justice administrative quant à elle règle les conflits entre l’administration (les services publics) et les personnes privées (physiques ou morales), par exemple si la mairie de votre commune avait mis à votre disposition un local pendant plusieurs années et que du jour au lendemain on souhaite vous le retirer alors que vous agissez encore sur le territoire. Toute réclamation pour contester cette décision se fera alors devant la justice administrative. 

CAPACITÉ JURIDIQUE DES ASSOCIATIONS

Pour agir en justice, il vous faut être une personne physique ou morale. 

Une personne physique désigne tout être humain (Monsieur A, Madame B etc.).

Une personne morale est « un groupe de personnes physiques réunies pour accomplir quelque chose en commun ». Il s’agit donc d’une entité fictivement considérée comme une personne. Une personne morale peut être privée (société commerciale, association…) ou publique (mairie, État…).

Pourquoi faut-il être une personne physique ou morale ? Car cette qualité vous confère une capacité juridique, c’est-à-dire l’aptitude à avoir des droits et des obligations et à les exercer soi-même. On peut citer par exemple le droit de souscrire à un contrat, de recevoir des subventions, ou l’obligation de respecter la loi ou le contrat souscrit. 

Dans le cas d’une association, il convient de préciser, qu’en principe, seules les associations dites de droit se voient attribuer cette capacité juridique. Pour cela, il vous faut déclarer votre association en préfecture après avoir fait toutes les procédures pour créer son association

Si ce n’est pas le cas, votre association est en principe une association non déclarée, dite de fait. Toutefois, il arrive que la justice requalifie en association de droit une association de fait qui agit comme telle, par exemple en accomplissant des actes juridiques en son nom propre. Pour résumer, une association non déclarée ne peut, sauf cas particuliers, ni poursuivre ni être poursuivie en justice.

POUVOIR DE REPRÉSENTATION ET POUVOIR D’AGIR

Lorsqu’une association est assignée (« attaquée ») ou souhaite agir en justice, elle doit se référer à ses statuts pour savoir qui est mandatée pour la représenter. En effet, en tant que personne morale, une personne physique doit être désignée pour accomplir les actes juridiques au nom de l’association.

POUVOIR DE REPRÉSENTATION

C’est en général le·la président·e qui est désigné·e par les statuts comme ayant le pouvoir de représenter l’association en justice, puisque souvent on trouve la mention suivante : « le·a président·e représente l’association dans tous les actes de la vie civile ». Toutefois, cette représentation ne vaut que lorsque l’association est assignée en justice par une tierce personne. Le·la président·e ne peut pas intenter une action en justice contre un·e membre ou être le·a demandeur·se d’une réparation en justice. Pouvoir d’agir et pouvoir de représenter sont distincts et peuvent être répartis entre plusieurs personnes

POUVOIR D’AGIR

Ainsi, pour agir en justice, il faut qu’une personne soit explicitement désignée, et ce n’est pas toujours le·la président·e. Selon la jurisprudence, « quand les statuts donnent au·à la président·e le pouvoir de représenter et au conseil d’administration celui d’agir, c’est ce dernier qui décide de l’opportunité d’entrer en justice » (Cass. soc. 26 nov. 1975). La décision qui nomme telle personne comme ayant le pouvoir d’agir en justice doit être inscrite dans un procès-verbal.

Plusieurs possibilités existent : 

  • les statuts désignent explicitement le·a président·e comme ayant pouvoir de représentation et pouvoir d’agir 
    • dans ce cas-là, il est aussi possible que le·a président·e donne mandat à une autre personne pour agir en justice à sa place de manière ponctuelle ;
  • les statuts peuvent prévoir un·e représentant·e différent·e pour les actions en justice, c’est ce qu’on appelle un mandat de représentation ad hoc. Il doit être confié par l’assemblée générale ou par l’organe décisionnaire. Le·a président·e dispose alors d’un pouvoir de représentation sans le pouvoir d’agir en justice ;
  • les statuts peuvent aussi prévoir que la désignation se fera au moment où le litige naîtrait, soit par vote de l’assemblée générale, soit par un organe collégial de direction ;
  • les statuts ne prévoient rien : la désignation se fera par défaut par l’assemblée générale au moment de la naissance du litige. Elle décidera qui représentera l’association en justice et selon quelle durée : de manière ponctuelle pour ledit litige ou de façon permanente (Cass. 1e civ. 19 novembre 2002).

Une association peut faire face à la justice dans deux situations : soit elle est assignée par une tierce personne (dans ce cas elle est défenderesse), soit elle assigne une autre personne en justice (dans ce cas elle est demanderesse). 


Mon association est assignée en justice

Un manifestant avec une pancarte qui dit "no justice no peace".

Une association peut être assignée en justice dans de nombreux cas de figure puisqu’elle n’échappe bien entendu pas au droit. Plusieurs cas sont possibles : elle peut être tenue responsable sur le plan civil, sur le plan pénal, ou les deux. 

Dans tous les cas, si l’association est convoquée en justice, elle ne pourra s’y soustraire sous peine de sanctions supplémentaires. Dans ce cas-là, la personne mandatée pour la représenter devant la justice, est la personne qui devra se rendre à la convocation.

…DEVANT LA JUSTICE PÉNALE

Le droit pénal est le droit qui régit les rapports entre l’individu et la société. Il interdit un certain nombre de comportements sous peines de sanctions pénales. En cas d’infraction au droit pénal, c’est l’État, représenté par lela procureure de la République, qui poursuit et assigne en justice les individus soupçonnés coupables. 

Trois types d’infractions existent selon leur degré de gravité et de peines : les contraventions, les délits et les crimes. En fonction de l’infraction, le tribunal compétent sera différent (tribunal de police, tribunal correctionnel, cour d’assises).

Le droit pénal donne alors lieu à une peine. Ainsi, une association peut être passible d’amendes en cas d’infraction, au code de la route par exemple. Elle peut se voir confisquer ses biens, être frappée d’interdiction d’exercer une activité sociale ou professionnelle, voire de dissolution etc.

Les actions contre une association n’empêchent pas que soient menées des actions parallèles contre les individus membres si l’infraction l’exige. Prenons pour exemple une contravention classique telle qu’une infraction au code de la route comme griller un feu rouge ou faire un excès de vitesse. Si, lors d’un déplacement en voiture, un·e des membres grille un feu rouge alors, l’association pourra éventuellement se retourner contre la personne membre qui a utilisé le véhicule de l’association pour se rendre à un évènement organisé par celle-ci et enfreint le code de la route alors qu’elle aurait dû le respecter. 

En effet, il est important de noter que responsabilité d’un·e membre peut être engagée lorsque ce·tte dernier·ère a commis une faute détachables de ses fonctions.

Les associations peuvent donc agir en justice et assigner des personnes tierces.

…DEVANT LA JUSTICE CIVILE 

La justice civile, quant à elle, régit les rapports entre personnes physiques et morales et donne lieu non pas à une peine mais à une réparation. 

Ainsi, tout membre d’une association (personne physique) peut se pourvoir en justice pour l’annulation d’une décision prise par l’association (personne morale), que cette décision soit à son encontre (exemple : mesure disciplinaire prévoyant l’exclusion du ou de la membre) ou à l’encontre des statuts (exemples : irrégularités dans la convocation d’une assemblée générale, décisions prises contraires à l’objet déclaré). Le tribunal compétent en la matière est le Tribunal de Grande Instance et il reviendra à la personne qui demande réparation, d’apporter la preuve du dommage causé. Elle aura 5 ans pour agir et contester la décision prise. Au-delà les décisions ne seront plus contestables, c’est ce qu’on appelle le délai de prescription.

MON ASSOCIATION AGIT EN JUSTICE 

Les associations déclarées sous le régime de la loi de 1901 et celles de droit local (Alsace-Moselle) ont la capacité d’agir en justice pour la défense de leurs intérêts personnels (par exemple, leurs intérêts patrimoniaux), la défense ou la défense de certains intérêts collectifs de portée générale, ces deux derniers domaines étant entourés de conditions plus restrictives. 

INTÉRÊTS PERSONNELS DE L’ASSOCIATION

Le droit français distingue la capacité à agir et le droit d’agir. Ces deux conditions doivent être remplies pour qu’une plainte soit déclarée recevable, c’est-à-dire pour qu’elle puisse être traitée par la justice. Définissons d’abord ces termes. 

  • La capacité à agir : c’est l‘aptitude à avoir des droits et des obligations et à les exercer soi-même. Pour cela votre association doit avoir la personnalité juridique (voir plus haut).
  • Le droit d’agir : c’est avoir une qualité à agir et un intérêt à agir. 
    • La qualité à agir : renvoie au fait de posséder un titre ou un droit particulier pour pouvoir intenter l’action. Par exemple, au sein d’une association toutes les personnes n’ont pas la qualité à agir, seule la personne désignée comme représentante de l’association (sa mandataire) devant la justice aura qualité à agir (voir plus haut).
    • L’intérêt à agir  : c’est l’intérêt légitime (ou personnel) qui justifie l’action en justice. Cela peut sembler évident, mais il est important d’y penser. Cet intérêt à agir est parfois difficile à définir, car il peut varier selon les juridictions. Un intérêt légitime, est souvent qualifié lorsqu’est prouvé un intérêt personnel. Celui-ci correspond à la situation dans laquelle la personne physique ou morale prouve qu’elle a elle-même subi un préjudice et qu’il est donc légitime qu’elle demande réparation. Par exemple, pour demander réparation d’un dommage patrimonial (concerne les biens) ou extra-patrimonial (ne concerne pas les biens). 

Cet intérêt légitime découle, d’un principe général de procédure selon lequel “nul ne plaide par procureur”. C’est-à-dire que la personne qui souhaite agir ne peut demander à quelqu’un d’autre de le faire à sa place. Si une personne X a été cambriolée par exemple, elle est la seule personne qui puisse agir en justice. Elle ne peut pas demander à une personne Y d’agir pour elle. 

Cela vaut aussi pour les associations. Elles ne peuvent théoriquement pas agir en leur nom pour défendre l’intérêt personnel des individus qui la composent. L’atteinte à un intérêt personnel et direct est une condition de droit commun indispensable à la recevabilité de toute action en justice. Ainsi, une association ne remplit pas la condition d’intérêt à agir si un·e membre a subi un préjudice (acte homophobe/raciste) durant un évènement. Votre association ne pourra pas agir en justice à sa place car le dommage lui a été causé à elle·lui, et non à l’association.

La justice pénale est intransigeante avec ce principe : « il est de jurisprudence certaine qu’une association déclarée n’est habile à exercer une action que lorsque les intérêts collectifs, qui représentent sa raison d’être, subissent, du fait d’un délit, un préjudice direct, que s’il s’agit d’infractions commises à l’encontre de ses membres, il n’appartient qu’à ceux-ci de poursuivre la réparation du préjudice individuel qui leur a été causé” (Tribunal correctionnel, 19 déc. 1957)

En revanche, il  existe des exceptions devant d’autres juridictions

  • Devant le tribunal administratif, l’action en défense de l’intérêt individuel des membres est possible si l’intérêt de tou·te·s les membres de l’association (du fait de son objet même) est lésé.
  • Devant les juridictions civiles, est admise l’action collectivement exercée par les associations à des fins individuelles, à la condition que la défense de ces intérêts soit statutairement l’objet de l’association.
INTÉRÊT COLLECTIF

Une dernière exception existe. Certaines associations sont bénéficiaires d’un droit d’action pour la défense des intérêts collectifs qu’elles représentent statutairement ou légalement (par exemple les syndicats). Ce droit d’agir est consenti par la loi, sous condition d’une certaine représentativité, le plus souvent fonction d’une ancienneté d’existence (5 ans) et d’un agrément administratif. 

Les actions fondées sous de telles habilitations sont dites “collectives” et se retrouvent de plus en plus au sein des associations de défense des droits des consommateur·rice·s. Il existe d’autres domaines d’action pour lesquels une association habilitée peut mener une action civile collective, on peut citer la lutte contre le racisme, la lutte contre les violences sexuelles, l’assistance à l’enfance martyrisée, la défense des personnes malades ou handicapées, la défense et la protection des animaux, la protection de l’environnement etc. Pour chaque catégorie, l’habilitation s’effectue différemment. Renseignez-vous auprès d’un service de consultation gratuite des avocates. 

DÉPOSER UNE PLAINTE…

…DEVANT LES JURIDICTIONS CIVILES

Pour enclencher un procès civil, vous devez réaliser votre action en justice auprès du tribunal judiciaire, issu de la fusion des Tribunaux de Grande Instance et des Tribunaux d’Instances depuis le 1er janvier 2020. 

….DEVANT LES JURIDICTIONS PÉNALES

Pour agir devant les juridictions pénales, deux possibilités s’offrent à vous : 

  • L’État représenté par lela procureur·e enclenche la procédure judiciaire et votre association se joint au procès en constituant partie civile, c’est-à-dire en tant que victime d’une infraction qui réclame réparation pour le préjudice subi.
  • Votre association est à l’origine de la procédure. Dans ce cas-là vous devez envoyer par voie d’huissier une citation directe à comparaître, c’est-à-dire une convocation, à l’auteur·rice de l’infraction.
L’ABUS DE JUSTICE

Si la liberté d’agir en justice est fondamentale, un abus peut vite arriver et engorger la justice. Pour éviter cela, la loi sanctionne les abus de justice par une sanction, en général pécuniaire : «Celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d’un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés (Code de procédure civile, article.32-1). Ces dommages-intérêts peuvent être réclamés par la personne que vous avez assignée en justice et lui sont dus si vous perdez le procès…Même si a priori vous ne devriez pas en arriver là, au moins vous êtes au courant !


Se faire accompagner en justice

POUR LES FRAIS DE JUSTICE 

Une somme d’argent doit être déposée au greffe. Cette somme est fixée par le juge d’instruction s’il y a constitution de partie civile ou par le tribunal s’il s’agit d’une citation directe. Le montant déposé au greffe est restitué à la victime si elle gagne le procès. Dans le cas contraire, il sert à couvrir les frais de procédure. 

Les frais de procès sont dans bien des cas au-dessus des moyens d‘une association. Mais l’aide juridictionnelle, dispositif qui existe pour permettre l’accès à la justice pour tou·te·s peut vous permettre de couvrir tout ou un partie des frais engagés. Elle est accessible aux personnes morales qui peuvent, en fonction de leur budget, bénéficier de l’aide à l’accès au droit (consultations gratuites d’avocat). Pour savoir si vous êtes éligibles à cette aide, vous pouvez contacter le Bureau d’Aide Juridictionnelle existant dans chaque Tribunal de Grande Instance. N’hésitez donc pas à vous y rendre pour obtenir tous les renseignements nécessaires.

POUR DES CONSEILS JURIDIQUES 

Illustration Deux avocats en train d'exercer leur métier.

Pour agir ou vous défendre en justice vous pouvez bien entendu vous faire accompagner et assister par des juristes.

Vous pouvez vous tourner vers plusieurs structures : 

  • Les permanences juridiques gratuites dans des maisons des associations : appelez-les pour leur expliquer votre situation et prendre rendez-vous pour rencontrer un∙e permanent∙e.
  • L’assistance juridique de votre assurance : si vous avez souscrit à une assurance vous pouvez contracter une assurance « protection juridique » qui pourra vous aider et répondre à vos différentes questions, voire vous aider à supporter vos frais de justice.
  • Les points d’accès au droit (PAD) : lieux d’accueil permanents et gratuits permettant d’apporter une information de proximité sur leurs droits et devoirs aux personnes ayant à faire face à des problèmes juridiques ou administratifs. Il est conseillé de prendre contact par téléphone avec la structure avant de vous déplacer à la permanence pour vous renseigner sur les jours et les horaires d’ouverture. En outre, dans la plupart des points et des relais, les consultations juridiques doivent être prises sur rendez-vous. Les numéros de téléphones des différentes permanences sont accessibles dans cet annuaire.
  • Les maisons de justice et du droit (MJD) : permettent à chacun∙e de mieux connaître ses droits pour les faire valoir au quotidien. Des permanences sont organisées autour des thèmes de la vie quotidienne : droit de la famille, des majeurs protégés (tutelle, curatelle), du logement, du travail, de la consommation, de l’accès à la nationalité française, droit des étrangers, lutte contre les discriminations. Ces permanences juridiques sont assurées par des avocat∙e∙s, des associations spécialisées, des huissier∙ère∙s de Justice, et des consultant∙e∙s d’accès au droit.

Voilà, vous êtes (enfin) parvenu∙e∙s au bout de cette longue et complexe fiche sur les associations et la justice. Mais sachez qu’il ne s’agit que des bases et des pistes de compréhension du système juridique et judiciaire en France. Car il y a des situations qui se règlent au cas par cas, et dans ce cas-là, le mieux est de vous faire conseiller et accompagner en situation réelle.